Le Festival Carabao, du nom du buffle d’eau emblématique des Philippines, a lieu lors de la fête de San Isidro Labrador (Saint Isidore le travailleur), le patron des paysans. Ce festival est organisé les 15 et 16 mai dans plusieurs villes, dont San Isidro (dans la province de Nueva Ecija), Pulilan (province de Bulacan, juste à côté de Manille) et Angono (province de Rizal) pour les principales.
Le festival a lieu chaque année pour honorer cette bête de somme si utile dans le monde rural de l’archipel qui, rappelons-le, n’est pas l’animal symbole du pays contrairement à ce qui se dit souvent.
Le carabao est en fait l’animal de cœur des paysans philippins. Présent au sein de la vie campagnarde des Philippines depuis des générations, le carabao travaille sans relâche dans les champs aux côtés des fermiers et c’est en ce sens qu’il est tout un symbole.
Autant indispensable pour remuer la terre avant les semences que pour charger les récoltes, cet animal domestique possède donc son festival annuel en même temps que la célébration d’un saint de l’église catholique, une façon sympathique et populaire de lui rendre hommage.
Les buffles s’agenouillent devant le curé
Ainsi, le matin du premier jour de cet événement, les paysans brossent et font reluire la peau du bovin avec des huiles aromatiques jusqu’à temps qu’elle brille. Puis ils décorent la bête avec des rubans, des fleurs de frangipanier ou des hibiscus et l’attèle à une charrette. Les attelages sont également enjolivés de produits qui viennent des villages et régions d’origine.
Dans l’après-midi, l’attelage se dirige vers la place de l’église afin de prendre part à la procession. En ce jour où l’on rend hommage au saint patron des paysans, le buffle s’agenouille aussi devant l’église pour recevoir une bénédiction. Le lendemain, les carabao se mesureront dans une course d’environ 400m.
A Pulilan, c’est par centaines que les bêtes se bousculent dans la procession avant de se livrer aussi à une génuflexion devant l’église. C’est une façon pour les paysans de remercier le seigneur pour une année de récolte abondante, raconte la sagesse populaire. Outre les animaux, les villageois décorent également des bambous auxquels ils accrochent toutes sortes d’offrandes comme des fruits et autres plantes ou fleurs multicolores.
Ces festivités donnent également lieu dans la rue à des compétitions de danse, des jeux, des feux d’artifice et une grande parade, cette dernière servant à clore ces deux journées de fête. Comme chaque animal est apprêté et décoré en fonction de son village d’origine, il convient de se démarquer aussi lors de la parade. Les buffles s’agenouillent encore, cette fois devant la foule, rendant un hommage similaire à celui qu’ils dévouaient la veille à Saint Isidore.
Les carabaos sont-ils des anges ?
Souvent, des courses sont organisées en amont du festival mais c’est la grande course du 2ème jour la plus importante. La fin de la course donne lieu encore à une séance de bénédiction des bêtes par les curés locaux. Lorsque les buffles reçoivent ces bénédictions à répétition en s’agenouillant devant les curés, il est espéré que cela doive leur donner santé et endurance jusqu’à l’année suivante.
Derrière cet événement campagnard tout en symbole, on retrouve une légende rurale qui veut qu’Isidore, un fermier d’une redoutable productivité, intriguait ses compagnons de labeur par son inégalable efficacité dans les champs. Il est finalement apparu qu’Isidore recevait l’aide précieuse de créatures angéliques. Est-ce à dire que les carabao sont des anges ?
Ce rite trouve son origine dans la période coloniale et nous rappelle à quel point les Philippins sont de fervents catholiques. En effet, cette fiesta est très espagnole dans le sens où elle réunit plusieurs pratiques religieuses de célébrations des saints et de la vie de Jésus qui viennent tout droit de l’ancien colonisateur.
Le carabao a également été exporté sur l’île de Guam au 17ème siècle, où il bénéficie des mêmes égards que sur son île d’origine. En tagalog, on dit kalabaw alors qu’en latin, le nom de ce placide et sympathique bovin est Bubalus bubalis. Les cousins du carabao, mot espagnol dérivé du tagalog, portent presque le même nom dans d’autres pays du Sud-Est asiatique, kerbau en Indonésie et Malaisie par exemple, ou encore kebo à Java ou Bali.