Aux Philippines, la fête de Pâques revêt une importance toute particulière dans ce pays dont l’immense majorité de la population (80%) adhère avec beaucoup de ferveur à la religion catholique romaine .
Ainsi, la célébration de la Passion de Jésus et de sa résurrection se déroule sur la semaine entière précédant le lundi de Pâques, même si seuls le jeudi et le vendredi sont fériés. Cette semaine est connue sous les noms de Holy Week, Mahal na Araw (en Tagalog) ou encore Semana Santa (on reconnaît ici l’influence de la longue colonisation espagnole sur la langue philippine).
Pâques aux Philippines : une longue préparation à des démonstrations de foi
Le dimanche des Rameaux (une semaine avant le dimanche de Pâques), les Philippins fabriquent des éléments de décoration en coupant des feuilles de palmier qu’ils tressent ensuite pour leur donner des formes diverses : colombe, fleur et bien sûr la symbolique croix. Ils les apportent ensuite à l’église pour qu’elles soient bénies, puis les remmènent chez eux après la messe et les accrochent à leur porte afin d’éloigner le mal.
A partir du lundi, commence le rituel du « Pabasa », qui a lieu en public mais aussi parfois en privé dans certaines familles : des petits groupes de croyants se relaient pour chanter la Passion du Christ pendant quelques heures, ou bien du lever au coucher du soleil (et parfois même la nuit aussi), et ce pendant deux jours consécutifs. Ils chantent a capella, ou bien accompagnés d’instruments de musique tels que la guitare ou l’accordéon. En ce début de semaine sainte, les adolescents se déguisent en disciples de Jésus et autres personnages bibliques, et se rendent de maison en maison afin de répandre la bonne parole et réciter des prières.
Le mercredi, le long du trajet qui sera suivi par la procession, les habitants travaillent ensemble à la mise en place des 14 stations du Chemin de croix qui évoquent chacune un moment précis de la Passion du Christ.
Le Jeudi Saint: des parades et des défilés gigantesques
Les célébrations atteignent leur apogée à partir du lendemain, jeudi saint. Les Philippins catholiques font abstinence de viande et d’alcool, voire observent le jeûne, et mettent également leur vie sexuelle entre parenthèses. L’après-midi, ils se rendent en nombre à la messe.
Le prêtre et ses aides rejouent l’épisode de la vie de Jésus où celui-ci lave les pieds des apôtres en signe d’humilité. Les églises sont également le lieu privilégié pour remettre en scène le dernier repas que Jésus prit avec ses 12 apôtres.
Traditionnellement, les Philippins se rendent d’église en église pour observer ces reconstitutions de la Cène. Au cours de cette « Visita iglesia », la plupart des fidèles visitent 7 églises, mais certains vont jusqu’à 14, en mémoire des 14 stations du Chemin de croix. Ainsi, les églises philippines ne désemplissent pas en ce jour hautement symbolique pour ce peuple très croyant.
Après la messe, la foule accompagne tout au long du Chemin de croix des chariots somptueusement décorés et fleuris, portant des statues grandeur nature représentant divers personnages ayant participé à la Passion du Christ. C’est l’occasion de parades grandioses, voire extravagantes, au son des tambours ou de la fanfare locale. La procession est encore plus théâtrale au crépuscule, lorsque le cortège s’illumine des centaines de cierges tenus par les fidèles.
Du vendredi au dimanche de Pâques: recueillement et festivités
Arrive maintenant le vendredi saint, jour de la crucifixion de Jésus. Il n’y a pas de messe ce jour-là. A 15 heures précises, heure supposée de la mort du Christ, les fidèles se recueillent et vénèrent la croix. En fin d’après-midi, ils rejoignent la procession solennelle nommée « Santo Entierro » (littéralement « enterrement saint »). Un gisant représentant le Christ sans vie est transporté à travers la ville sur un chariot. Dans certains endroits on lui octroie de véritables rites funéraires, tels que l’exposition publique du corps, durant laquelle les fidèles baisent les pieds de la statue.
Sur l’île de Luzon, dans la ville de Paete, on fait brûler des écorces de lansones (fruit tropical) autour de la statue du Christ à plusieurs reprises au cours de la procession, au son des « Panginoon maawa po kayo sa amin » (« Seigneur, Aie pitié de nous ! » en Tagalog). Un peu plus loin, dans la province de Pampanga essentiellement, la commémoration de la passion du Christ va plus loin : certains fidèles, portant une couronne végétale et marchant pieds-nus, s’auto-flagellent pour expier leurs péchés, voire rejouent pour quelques instants la crucifixion du Christ.
Le jour suivant (samedi saint) est un jour plus calme. Les familles restent généralement chez elles, se recueillent et méditent. Au crépuscule, des processions éclairées à la bougie rendent hommage aux personnages féminins de la Bible ayant servi Jésus sur le Chemin de croix. La statue de la Vierge éplorée ferme la marche.
Le dimanche de Pâques revêt quant à lui un caractère plus festif. Dès l’aube, les Catholiques se réunissent en une procession solennelle appelée « Sugat », brandissant des représentations du Christ ressuscité. Le cortège se rend jusqu’à l’église, où les fidèles observent religieusement une mise en scène de la résurrection du Christ.
Sur l’île de Cebu, on peut également assister dans un certain nombre d’endroits à la représentation de la mort de Judas, rendue plus théâtrale encore par des feux d’artifices.
La messe de Pâques est ensuite célébrée. La ville de Minglanilla (au sud de Cebu city) est réputée pour ses activités festives et variées, telles que les danses de rues, ses tournois de volleyball dans la boue ou encore ses courses de carabao (buffles d’eaux utilisés habituellement pour l’agriculture). Dans tout l’Archipel, on sert le traditionnel « Binignit », une spécialité originaire des Visayas, à base de bananes et de racines.